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Tous ses sens ont frémi : l’efroi de la pudeur
Et la peur d’un affront font palpiter son cœurs
Un long étonnement la retient immobile,
On croiroit voir ce marbre où le sculpteur habile
Peint la jeune Vénus au sortir de son bain
Protégeant ses appas de sa timide main;
Ce marbre où, pour former une seule déesse,
L'art réunit le choix des beautés de la Grèce.
Tremblante, elle s’élance et prend sur l’autre bord
Sa robe et ce billet, et reconnoît d’abord
La main de son amant, Alors à ses alarmes
Succèdent tout à conp des pensers pleins de charmes ;
Ces remords d’un cœur pur, cet amour vertueux,
Qui maîtrisent des sens l'instinct impétueux ;
La chaste expression d’un penchant qui l’honore,
Que tant de modestie embellissoit encore,
Elle-même en secret félicite son cœur
D'approuver tant d’amour saus outrager l’honneur.
De ce burin grossier fait pour l’amant champêtre,
Elle grave aussi-tôt sur l'écorce d’un hêtre
Ce peu de mots : « O toi, qui dans cet heureux jour,
» Servi par le hasard ; mieux encor par l’amour,
» Seul en pourras compreudre et juger le langage ;
» Va , sois comme aujourd’hui , discret, modeste et sage,
» Conserve l’espérance. Un moment doit venir
» Où tu pourras enfin m’adorer saus me fuir 9,
M. J. DELILLE,
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