Full text: Almanach des dames (1810)

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chaud près du poële. Que sais-je ? j'en eus une humeur telle 
que je pensai la montrer. Je m’indignois sérieusement conire 
la coqueiterie de cette jeune femme, quand je pensai tout 
d'un coup que, pour m’en indigner, il falloit qu’elle eût blessé 
la mienne, et que, pour l’en accuser, il falloit que j'eusse 
trouvé en moi de quoi m'expliquer ainsi les motifs qui la fai- 
soient agir. Mon humeur cessa, et depuis ce temps je n’en 
eus plus contre les défauts que je démélois au moyen des 
miens, etj'appris à me connoître mieux de chaque découverte 
que je faisois dans les autres. De là vint aussi l'indulgence, 
quand je m'apperçus qu’il falloit condamner en moi ce que 
je blämois dans les autres. L’indulgence me conduisit à une 
sorte d’orgueil,, quand je me sentis capable de pardonner aux 
autres des foiblesses qui blessoient les miennes. Mais quand je 
crus valoir mieux que les autres , je ne voulus plus rien par- 
tager avec eux ; les intérêts qui les oucupoient ne me parurent 
plus dignes de moi ; je m'en détachai , les vis tels qu’ils étoient, 
et je connus le monde. Pour que l’image qu’on s’en forme ait 
quelque réalité, il faut que d’abord les passions nous en aient 
rendu tous les objets saillans, que les dégoûls nous aient fait 
appuyer sur leurs aspérités, que la fatigue nous en ait écartés, 
et qu’erifin, pour tout remettre à sa place , l'indifférence ait 
passé par-dessus. Mon enfant , êtes-vous à présent aussi pressée 
de connoître le monde ?
	        
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