Full text: Almanach des dames (1810)

(10) 
Quand l'homme , quel qu’il soit, a pu voir la clarté, 
Il ne retourne pas à son obscurité ; 
Il s’avance toujours dans sa noble carrière 
Et s’ézare plutôt que d'aller en arrière. 
Que si tu crois encore au charme des hameaux, 
Je puis d’un dernier trait enrichir mes tableaux. 
Si tu veux être ensemble épouse heureuse et sage , 
Ne crains pas d'adoucir le joug du mariage ; 
Les plaisirs l’ont troublé moins souvent que l’ennui. 
Dans cet oubli total qui te charme aujourd'hui, 
Inquiet et toujours s’occupant de soi-même, 
On devient exigeant, mélancolique, extrême : 
Le désir s'accroissant par la privation , 
Fermente dans la tête, obscurcit la raison. 
Chaque moment d’ennui rend l'ivresse plus forte , 
Et deux jeunes époux que la nature emporte, 
De vivre heureux aussi sentant qu’ils ont le droit, 
Souvent en font usage à tel prix que ce soit. 
Oh! combien j'en ai vus de champêtres ménages , 
Dont l’étranger trompé vantoit les avantages, 
Tandis que leur désordre ou leurs emportemens 
Vengeoient leurs facultés oisives trop Long-temps! 
Oh! combien j'en ai vus de dignes solitaires , 
D'un dégoût passager victimes volontaires, 
Succomber aux langueurs d’un long isolement, 
Et perdre sans regrets des jours sans agrément!
	        
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