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Faute de tragédies, nous avons donné les comédies de Duval
et de Picard qui ont eu à Paris un sort si différent. Le Che-
valier d'Industrie nous a paru l’ouvrage d’un homme d’esprit et
de talent, qui, embarrassé dans les liens d’une pénible intrigue ,
fait d’incroyables efforts pour s’en tirer, se fatigne et le spectateur
avec lui : nos prudes ont trouvé le rôle de la femme séduite par
le Chevalier, hors detoute vraisemblance; elles disent que ce n’est
pas ainsi qu’une femme est séduite, qu’elle l’est plus ou qu’elle
l’est moins; leur expérience les conduit à dire que, quand une
femme a la tête tournée , ce n’est pas quand son amant lui
prouve sa parfaite innocence qu’elle s’avise de lui soupçonner
des torts, et qu’ainsi après la scène où le chevalier a confondu
son accusateur, loin d’hésiter, Araminte devoit appeler un no-
taire ; voilà comme nos'dames de Beaugency courent au dénoue-
ment; l’hésitation d’Araminte leur a fait pitié. Voyez madame
Patin, disent-elles, madame Turcaret et toutes les baronnes de
Dancourt amoureuses de leurs plumnets , hésitent-elles un mo-
ment ? Vous voyez que nos dames ont sur la comédie et sur la
peinture naive des mœurs, des principes littéraires très-solides.
J'ajouterai, pour vous en convaincre, qu’avec de légers chan-
gemens que je m’étois permis de faire aux Capitulations de
conscience, elles ont eu un succès décidé ; oh! ici nous Vou-
lons entendre, et nous faisons pour cela comme Figaro , nous
écoutons. Idée morale, fond essentiellement comique, nœud
très-habilement formé, incidens combinés avec art pour déve-
lopper et justifier la situation principale : style franc et naturel,
vers bien jetés, bien comiques, rôles neufs dans un genre