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mante. En peu de temps, les rangs se sont bien éclaircis, et
ce sont les plus braves qui succombent. Mon héros tragique est
de la première qualité ; c’est un sujet étonnant ; il joue la tra-
gédie à faire frémir, et, s’il le vouloit, joueroit fa comédie à
ravir; mais il a la manie des voyages ; et s’il étudie , c’est
en chaise de poste ! Le théatre particulier de la préfec ure de
Beaugency l'occupe aussi beaucoup, de manière que le public
le voit peu, et ne l’en aîme pas moins. Son double est un joli
homme qui gasconne tant soit peu Rhadamiste ou Tancrède ;
mais qui a de l’énergie, de la noblesse et de la sensibilité : il a
un grand parti parmi nos dames; elles disent qu’il sait bien
parler d'amour ; Orosmane surtout leur tourne la tête. Mon
jeune premier vieillit un peu, je l'avoue; mais il n’y paro't
point, il est de fer ; il a des poumons infatigables; il entretient,
il subjugue le parterre ; il l’enleveroit de dessus les banqueites,
si le parterre étoit assis. Aucun rôle ne tombe entre ses mains;
c’est l'acteur le plus adroit, le comédien le plus subtil qu’on aît
connu ; on lui reproche de l’afectation, de la manière, puis du
désordre et de l’emportement ; il joue souvent au fin, plus sou-
vent à tort, à travers ; tout cela réussit ; cet homme est une
cheville ouvrière; 11 l’est ici d'autant plus, que ses prédécesseurs
foiblissent ; l’un d’eux est fréquemment repris d’un aecès de
goutte ; l’autre , depuis une longue maladie , joue un peu
trop en robe de chambre. Mes valets sont moris ou alités ;
j'en ai trouvé la mounoie , mais non pas l’espèce. 1! me
faudroit aussi des soubrettes : on m'en jette à la tête ; mais j'ai
manqué la meilleure ; clle est au service de quelque baronne de
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