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mais nos gens veulent absolument des actrices. Notre Z'enore
seroit admirable s’il n’avoit pas toujours la rage de faire la
basse-taille : c’esi un boufFon excellent ; il ne veut que jouer du
tragique, L’ingrat dédaigne son origine et la source de son
astration. J'aurois monté Don Juan s’il avoit voulu chanter
Leporello; et au lieu du chef-d’œuvre de Mozart , je suis forcé
de donner le Festin de Pierre. J'aurois aussi donné le Mariage
de Figaro, dont il existe une traduction excellente ; mais non ,
ce seroit déroger , et s'ennuyer dignement paroît préférable :
Cela est bien académique, qu’en pensez-vous ?
Heureusement nous avons les ballets : de tout temps les ha-
bitans de Beaugency ont eu des dispositions étonnantes pour la
danse. Vestris et Duport n’y étoient pas nés, mais on y a
formé de bons sujets. C’est là qu’on trouve surtout, suivant
l'expression d’un grand maître, des genoux agaçans ét des
coudes-pieds liberlins. Aussi on nous les enlève; les uns ont
descendu la Loire et passé dans une île voisine, où ils sont
payés très-chers; d’autres ont été par - dela les monts; un
autre , le plus précieux de tous , à gagné le pays et apprend le
pas russe aux Moscovites, Parmi les femmes nous avons eu
des accidens, des maladies, des enlèvemens , des héritages ;
tout cela me dérange fort, et si la dansomanie n’étoit pas
enracinée dans cette ville, j’enverrois les ballets se promener.
Mais sans eux que deviendroit mon académie chaniante, et
sans l'académie que deviendroit la gloire musicale du pays?
Ma troupe tragique et comique m’effraie aussi quand je jette les
vegards sur clle; les pertes s’y mauliiplient d’une manière alar-