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mercie encore son bourreau de la froide et tardive pitié qu’il
lui montre ; où le seul reproche qu’elle lui adresse est de
l'avoir forcée de survivre deux ans à la perte du seul homme
qu’elle. eût dû chérir. Voila, mon ami, dit-elle, le seul sen-
timent d'amertume que je trouve dans mon âme contre vous.
Et puis elle ajoute : Je voudrois bien savoir votre sort ; je vou-
drois bien que vous fussiez heureux. + Quelle touchante
sollicitude dans un tel moment! et pour qui ? Adieu, mon
ami; si jamais je revenois & la wie, j'aimerois excore à
l'enployer à vous aimer; mais il n'y a plus de temps. Que ce
dernier adieu est déchirant ! quel remords il dut exciter dans
l’âme de M. de G. ! Pauvre femme! oui, dussiez-vous me
blämer moi-même , je ne puis vous le cacher, le sentiment
qui l’emporte en moi en lisant ces lettres , c’est celui de la
pitié; et quand ma raison condamne mademoiselle de Lespi-
nasse, mon cœur me le reproche.
Au reste, ce que vous dites d’elle et-de ses lettres, est ce
qu’en disent tous les hommes et même beaucoup de femmes,
ce qui est plus étonnant. Mais il y a bien des femmes qui ne
connoissent pas le langage de l'amour, et pour les hommes...
Renvoyez-moi mon recueil.