(
“a
Je conçois que denx volumes de lettres d’amour n’aïent pas
pour vous l’intérêt qu’ils ont pour une femme, et que, ny
cherchant que le mérite littéraire, ces lettres vous ennuient
quelquefois. Pour moi, je vous avouerai que ce mérite-là est
ce qui m’a le moins frappé. Je les ai lues deux fois, espérant
jouir mieux à une seconde lecture du charme de style qui les
distingue ; mais il m'a été impossible d’y jamais voir l’auteur,
tant elles sont naturelles et entraînantes. Aussi ai-je de l’hu-
meur quand j'entends dire que ces lettres sont pleines d’esprit.
Ah! mon dieu, quelle pauvre lonange ! diroit mademoiselle de
Lespinasse. Oui , ce sont les lettres d’une femme de beaucoup
d'esprit, qui ne songeoit guères alors à en avoir, Qu’elles n’aient
jamais dû être publiées, cela est hors de doute; et heureu-
sement encore il n’y a qu’une voix là-dessus, quoique leur
mérite ait pu;les faire regarder comme un monument littéraire ;
mais rien n’excuse un abus de confiance aussi inconvenant, et
une si horrible violation du respect qu’on doit à la mémoire
des morts.
Je regrette comme vous que ces lettres ne contiennent pas
plus de détails, I] y a évidemment des lacunes; on désire sou-
vent des notes; je crois même que ce recueil n’a pas été tou-
jours imprimé dans l’ordre où les lettres ont été écrites ; mais
ceci n’est point un roman. Mademoiselle de Lespinasse écrit
à un homme qui n’a pas besoin de détails; et comment vous
ennuyez-vous de l'expression d’un sentiment si vrai, si tou-
chant , si profond et si mal récompensé? D'ailleurs ce qui
rend, je crois , ces lettres si atlachantes, c’est la soumission ,