Full text: Almanach des dames (1810)

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sonnes qui l'ont connue , aimée et estimée ; lorsqu'il semble 
qu'on peut encore la voir rougir et baisser les yeux , comment la 
juger à la rigueur? D'ailleurs , elle s’accuse avec tant de fran- 
chise, elle se repent de si bonne foi, elle aime si sincèrement 
la vertu, que je ne puis voir en elle qu’une femme entraînée et 
non corrompue. 
Je sais bien que lorsque la liaison de mademoiselle de Lespi- 
nasse avec M. de G. commença, elle étoit dansun âge où l’on ne 
peut guère céder à la séduction. Je trouve étrange tout comme 
vous que son amour pour M. de Mora ne l'ait pas défendue, Je 
ne conçois assurément pas qu’on aime deux hommes à la fois, et 
que, pour un homme qui-ne vous aime guère, on se rende 
coupable envers celui qui vous adore, qui revient vous 
épouser, et qu’on adore soi-même. Sous ce rapport, la con- 
duite de mademoiselle de Lespinasse est sans aucune excnse. 
Mais elle en convient, et enfin, tout extraordinaire qu’il est, le 
fait existe. Elle les aimoit tous deux. Comment elle arrangeoit 
tout cela dans sa tête tant que M. de Mora a vécu ; ce qu'elle 
eût fait s’il étoit revenu, ce qu’elle lui écrivoit dans ce temps 
où elle écrivoit aussi à M, de G. : Te n’en sais rien. Deux 
amours à la fois dans le cœur d’une femme bien évidemment 
sensible et konnéte même au milieu de son égarement, cela 
me paroit incompréhensible ; et si cetie situation se irouvoit 
dans un roman, vous entendriez ioutes les femmes crier à l’in- 
vraisemblance. Mais ici c'est un fait réel, et, ne pouvant m’en 
expliquer la cause , je me laisse entrainer à gémir sur le sort
	        
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