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CORRESPONDANCE
poser de leur chemin par terre, sont arrivés, en peu de jours
après, en bon équippage de 400 hommes, tant pour la seu-
reté des passages que pour le maniement de la négociation.
Il ne se parle plus d’eux ; possible que le printemps nous
en fournira des nouvelles, ces pais septentrionaulx estants
au cœur d’hyver mal accessibles.
Hier partist de chez moy le sieur de Reiffenberg, colonel
lieutenant en la forteresse de Javrin, estant envoyé en am
bassade du roy d’Hongrie, lequel tasche de toutes façons
à justifier ses prétentions sur les estats remués en Autriche.
Je luy donnay ceste response pour dépesche: «qu’il feroit
bon et beau de voir la Chrestienlé en repos porter les armes
contre le commun ennemy, sans que, soubs prétexte de la
religion , à la persuasion de ceux qui y ont peu à perdre, on
mist en hazard tout son estât et tous les voisins intéressés du
repos d’iceluy (1). » Ces trompettes d’Italie nous sonnent je
ne sçay quel fatal air du malheur, et y a apparence qu’en
Bohême la mesme tergiversation de l’Empereur causera
quelque altération, au grand désadvantage de ses affaires.
(x) Après que Mallhiaseut assuré, le 19 mars 1609, aux Proleslans de
l’Autriche le libre exercice de leur religion, l’Empereur accorda le même
droit aux Protestans de la Bohême par le privilège donné le xi juillet.
Du Mont , Corps diplom., lom. V, part, ir, p. n5. Mais à son avènement au
trône, comme Empereur, Matthias déçut les espérances du parti protestant,
qui seul avait contribué à son élévation. Le ressentiment de cette ingratitude
ayant partout exaspéré les esprits, l’insurrection de Bohême ne tarda pas à
suivre l’infraction du privilège impérial. La cruauté dont usa envers les
insurgés Ferdinand II, successeur de Matthias, produisit la grande guerre
d’Allemagne qui éclata tout-à-coup avec la plus grande violence.