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CORRESPONDANCE
nir de moy la dite grâce, laquelle ne sera oncques desniée à
ceux qui la rechercheront et s’y confieront, comme ils doivent.
Et s’ils aiment mieux qu’il se justifie par la voye de la justice,
je les ay assurés qu’elle luy sera ouverte, aplanie et mesmes fa-
vorisée et facilitée par moy, avec telles seuretés qu’il convient.
Or, ces princes estans mes amis comme ils sont, et affectionnés
au salut du dit duc de Bouillon, pouvoyent ils attendre et obte-
nir de moy une responce plus juste, débonnaire et favorable;
après laquelle, si ledit duc de Bouillon ne s’efforce de mé con-
tenter par effects convenables, ou se justifier, méritera il après
qu’ils intercèdent pourluy, ou l’estiment si innocent qu’ils l’ont
mescreu jusques à présent? Il ne peult s’excuser et retenir de
ce faire sur mon courroux et indignation (comme il a souvent
allégué pour couvrir sa contumace du prétexte du péril que
courroit sa personne s’il se représentoit en justice pour se pur-
ger), sans ouvertement m’accuser d’injustice, chose de laquelle
je n’ay encores donné occasion à personne de me reprendre et
soubçonner, ayant tousjours, et envers tous, plustost excédé
en clémence qu’en sévérité, comme chacun a veu et plusieurs
ont esprouvé. Et je croy fermement que le dit duc de Bouillon
mesme n’en doubte aucunement, car il me cognoist mieux que
nul autre; mais les termes auxquels il se retrouve, de quoy je
suis aussy marry que luy mesmes, le contraignent de s’aider
de toutes sortes de couleurs et moyens pour deffendre sa cause,
et conserver, avec sa réputation, ses amis.
Voilà ce que je vous escriray, pour le présent, sur ce subject,
qui est conforme à ce que j’en ay dit au capitaine Widemarkre