© Hessisches Staatsarchiv Marburg, Best. 340 Grimm Nr. Z 47
LA CHRONIQUE DES ARTS
ment de Léonard, peut-être seulement de son
légataire Fr. Melzi.
Le cardinal d’Aragon et Paul .love parlent
tous deux, on vient de le voir, d’un tableau
(«quadro, tabula»): or, la Sainte Anne du
Salon carré est précisément un panneau, non
un carton mis en couleurs.
Mais qu’est devenu le carton qui a servi à
préparer la peinture du Louvre, ce second
carton qui différait sur tant de points du car
ton primitif, conservé à la Royal Academy?
J’avoue que cette question ne s’est posée à
moi que tout récemment, et que, dans le prin
cipe, elle m’a fort embarrassé. Aujourd’hui,
la lumière s’est faite dans mon esprit et je ne
doute pas que mes lecteurs ne partagent ma
conviction. II existe, dans la collection de
S. M. la Reine, à Windsor, deux admirables
fragments, au crayon noir, de grandes dimen
sions et excessivement poussés, représentant:
l'un le pied gauche de sainte Anne, l’autre le
pied droit do la Vierge, exactement dans l’at
titude du Louvre (n° s 73, 74 de la publication
de la Grosvenor Galiery). Voilà, ou je me
trompe fort, ce qui reste du carton exposé à
Florence dans le couvent des Servîtes. Ce
carton, comme tant d’autres, aura été consi
déré comme inutile, une fois la composition
transportée sur panneau, puis découpé et dis
persé à tous les vents (1). Si les deux frag
ments de Windsor portaient des traces de pi
qûres — ce qu’il m’est impossible de vérifier
pour le moment — ma démonstration serait
complète à cet égard.
Comment la Sainte Anne a-t-elle pu sortir
des collections royales? L’explication est aisée :
elle en est sortie comme la salière de Benve-
nuto Cellini, ou le grand camée de Vienne,
donnés, la première en 1570 par Charles IX à
l’archiduc Ferdinand d’Autriche, oncle de sa
fiancée Élisabeth, et le second peut-être em
porté en Autriche par Élisabeth, après la mort
de Charles IX; ou encore, sans chercher bien
loin, comme le Saint Jean-Baptiste de Léo
nard, donné par Louis XIII à Charles I er
d’Angleterre, puis acheté à la vente de ce mo
narque par Jabach, et racheté à Jabacli par
Louis XI V.
Comment la Sainte Anne est-elle rentrée
dans les collections de la couronne? Ici,
j’éprouve plus d’embarras à répondre. Un
instant, j’ai cru que deux mentions de paie
ment contenues dans les comptes des bati
ments de Louis XIV se rapportaient au chef-
d'œuvre du Salon carré. Voici, en effet, ce
qu’on lit dans les documents publiés par
M. Guiffrey : « 1677, acheté un tableau de Léo
nard de Vinci, 4.400 lb. — 1678, 8 janvier.
A M. le marquis de Béthune, pour un tableau
(1) La collection de Windsor possède plusieurs autres
dessins se rapportant la « Sainte Anne », niais ce ne
sont que des esquisses, non des fragments du carton.
Une étude pour nue tête de femme de trois quarts, les
regards baissés, offre une certaine analogie avec le type
de Sainte Anne (Grosvenor Galiery, n»« 18, Braun
n» 223). Puis nous avons une étude pour le bras de
« Sainte Anne » (Grosvenor, n° 70), et une étude de dra
peries pour la jambe droite de la Vierge (Grosvenor,
n« 100). Quant à l’étude de la tête de Sainte Anne
(les yeux dirigés vers la gauche, un voile sur les che
veux), son authenticité m’inspire des doutes.
de Léonard de Viney, qu’il a vendu au Rov,
4.400 lb. (1). »
Mais m’étant adressé au savant et spirituel
historien des Richelieu, M. Bonnaffé, j’ai reçu
de lui cette docte consultation que je lui de
mande la permission de livrer à la publicité :
« La Sainte Anne de Léonard, que le cardi
nal avait rapportée d’Italie en 1629, était pla
cée dans le « Grand Cabinet » de son palais à
Paris, avec la Famille de la Vierge, d’Andrea
del Sarto, les Pèlerins cTEmmaüs, de Paul
Véronèse, etc. En 1636, Richelieu donna ce
palais au roi. La donation fut régularisée en
1639. Pendant la régence d’Anne d’Autriche,
les tableaux surent transportés à Fontaine
bleau (Sauvai, t. II, p. 169) et placés dans l’ap
partement de la reine. Depuis— à quelle épo
que? je l'ignore — ils sont revenus à Paris et
entrés au Louvre. Le tableau acheté au mar
quis de Béthune, en 1678, ne peut donc être la
Sainte Anne du Louvre. »
.le me résume : 1° la première pensée de
la Sainte Anne nous est conservée dans le
carton de la Royal Academy; 2° la peinture du
Louvre représente, au contraire, la composi
tion définitive, telle qu’elle était fixée au mois
d’avril 1501 ; 3° le carton destiné à cette pein
ture a été emporté par Léonard à Milan et,
de là, en France; il a été découpé et il n’en
reste que des fragments ; 4° Léonard travailla
à la peinture de la Sainte Anne jusque dans
ses toutes dernières années, puisque le cardi
nal d’Aragon la vit encore dans son atelier
d’Amboise. La Sainte Anne est donc comme
le testament artistique du maître, en tant que
peintre ; elle nous le montre, plus que sexagé
naire, dans toute sa force et toute sa fraîcheur
de coloriste, dans tout l’éclat de la magie de
sa peinture (2). Eugène Müvrz.
NECROLOGIE
L’abbé Alexandre Straub, grand vicaire et cha
noine de la cathédrale de Strasbourg, bien connu
par ses travaux archéologiques et président de la
Société des Monuments historiques d’Alsace, est
mort le 26 novembre, d’une attaque d’apoplexie, à
l’âge de 66 ans. Il lègue ses importantes collec
tions à la Ville de Strasbourg.
BIBLIOGRAPHIE
la vieille France : Bretagne, texte, dessins et
lithographies, par A. Robida.
Librairie illustrée, 8, rue Saint-Joseph
Nous avons déjà eu l’occasion de dire que sous
ce titre général : La Vieille France, M. A. Ro
bida a entrepris une série d’études artistiques sur
notre pays. Le volume La Bretagne, qui vient de
paraître, décrit l’antique et légendaire Armorique
en une tournée complète dans ses cinq départe
ments si pittoresques et si tranchés de caractère.
1. Les Comptes des bâtiments du Roi, t. I°q p. 913-1012
2. Rappelons la belle gravure de Gaujean, publiée
dans la Gazelle de novembre 1887.
ET DE LA CURIOSITE
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L’entrée dans cette Bretagne, c’est l’étonnante
cité de Vitré enclose dans ses vieux remparts, évo
catrice du Moyen-Age. Après Dol et Fougères,
après Rennes, viennent les curieuses côtes de
Saint-Malo, les charmantes campagnes autour
des villes et bourgs des Côtes-du-Nord : Lam-
balle, Saint-Brieuc, Paimpol, Tréguier, Lannion
et les étranges bouleversements rocheux du ri
vage.
C’est ensuite le Finistère, le gras pays do Léon
et la granitique Cornouaille, Morlaix aux maisons
particulièrement intéressantes, Saint-Pol-de-Léon
et son clocher, et le pays des ossuaires, des
grands calvaires à innombrables personnages
sculptés dans le granit, la rivière de Landerneau,
Brest, puis toutes les pointes de la Cornouaille.
Après les riantes villes de Quimper et Qu im
perlé, les bourgs de l’intérieur et les ports du
fond des baies, Concarneau, Douarnenez et autres,
voici le Morbihan, la terre vraiment celtique, la
région des menhirs alignés dans les genêts et les
bruyères, Carnac et Locmariaker, Sainte-Anne-
d’Auray et le pays de Vannes sur la petite mer du
Morbihan. Le large ruban de la Loire étincelle
dans les belles campagnes et conduit aux marais
salants de Guérande après avoir traversé la
grande cité de Nantes.
Tout ce pays si original apparaît avec ses as
pects caractéristiques, avec ses souvenirs histori
ques, avec ses vieux costumes en train de dispa
raître, en un volume bondé de dessins, accompa
gné de quarante planches hors texte en lithogra
phie, ce moyen artistique coloré et moelleux qui
convient si bien aux vues pittoresques traitées
par le crayon d’un artiste amoureux des belles
choses de notre vieux pays.
L’an passé, M. A. Robida avait déjà consacré
un volume semblable, qui obtint un vif succès, à
la Normandie ; nous ne pourrions que répéter
aujourd’hui les compliments que le talent spiri
tuel et original de l'artiste nous avait fait lui adres
ser à propos de cet ouvrage.
Le XI e volume de l’ouvrage de M. Henri Bé-
raldi : Les Graveurs du xix° siècle, vient de
paraître (Librairie Conquet, 5, rue Drouot). Il
comprend tous les noms de graveurs de Pille-
ment à Saint-Evre. La grande personnalité de
Rast’et tient une place considérable dans ce vo
lume ; elle y est étudiée avec le plus grand soin
et une compétence parfaite; M. Béraldi a tracé
de ce maître la monographie la plus complète qui
existe. Signalons aussi les pages consacrées aux
graveurs Rajon, Rops, Robida, Rochebrun, etc.
M. A. Hallopeau, ingénieur métallurgiste,
vient de publier, en extrait, une très intéressante
étude parue dans le Génie civil (6, rue de la
Ghaussée-d’Antin), sur les opérations diverses de
la fonte en bronze du groupe de M. Dalou : Les
Etats Généraux, dans les ateliers de M. Eugène
Gonon. Ce bas-relief, fondu à cire perdue d’un
seul jet, mesure 6, m 5i de longueur sur 2 m ,36 de
hauteur ; le poids est d’environ 3.700 kilogram
mes. C’est, au point de vue de l’art du fondeur,
un travail gigantesque et qui fait le plus grand
honneur à M. Gonon. À. de L.
Bureaux de la GAZETTE DES BEAUX-ARTS
8, RUE FA VA RT, 8
uvmili UVUhsl
GRAVURE EN COULEURS
d’après une aquarelle de ROCHARD
Cette gravure, imprimée sur quatre plan
ches, sans aucune retouche à la main, a été
publiée dans la livraison de la Gazette des
Beaux-Arts du 1" décembre.
Prix des épreuves de premier tirage, sur
quart colombier (formatdouble delà Gazelle)-.
Avant lettre : 30 fr. l’épreuve
Avec lettre : 20 fr. l'épreuve
Pour répondre à la demande d’un certain
nombre de nos abonnés, nous livrons cette
gravure (épreuve avec lettre) tout encadrée
(52 cent, hauteur sur 43 cent, largeur), au prix
de 30 francs.
Franco en province, 35 francs.
Journal de la Jeunesse. — (992° livraison).—
Texte par le commandant Stany, G. Amero et Léon
d’Avezan.
Illustrations de Vogel, Basson, E. Zier, etc.
Le Tour du Monde (1613° livraison). — De
Paris au Tonkin.— A travers le Thibet inconnu,
par M. Bonvalot (1889-1890). — Texte et dessins
inédits. — Tous les dessins de ce voyage sont
exécutés d’après les photographies prises par le
prince Henri d’Orléans. — Treize gravures de
Riou, H. Vogel, A. Paris, Marcelle Lancelot,
D. Lancelot et de Brabant.
Bureaux à la librairie Hachette et C°, boule
vard Saint-Germain, 79, à Paris.
CONCERTS DU DIMANCHE 6 DÉCEMBRE
Conservatoire. — Symphonie avec chœur
(Beethoven); Ouverture de la Grotte de F ingai
(Mendelssohn); Duo-nocturne do Béatrice et Bé-
nédiet (H. Berlioz), par M ,nc ‘ Leroux-Ribeyre et
Boidin-Puisais; Marche de Tannhœuser (R.
Wagner). Le concert sera dirigé parM. J. Garcin.
Cirque des Champs-Elysées. — Symphonie
en si bémol (Schumann) ; Siegfried-Idyll (R.
Wagner); Rapsodie slave (A. Dvorak); Bon
Juan (Richard Strauss) ; Danse macabre (Saint-
Saëns); Ouverture de Tannhœuser (R. Wagner).
Châtelet. — Septième Symphonie eu la (Bee
thoven); Eros träte (Ernest Rayer), introduction;
récit et air, par M. F. Delmas; Sérénade de
Reyer) ; hallet d’Asccuiio (C. Saint-Saisis).