cernent est fort différente de celle du modèle , y devient tellement
semblable à la fin , qu’ Edouard même ne peut les distingi er ; et
cela loi suffit peur s’écrier: « Tu m'aimes, Ottilie, tu m’aimes 1 »>
Quand ils font de la musique ensemble , ils manquent tous deux la
mesure en même temps et avec un tel accord , que l’un n’est jamais
obligé d’attendre l’autre, onde courir après lui. C’est ici le cas de
dire pourquoi dans l’original le romaa porte le litre à'affinités
électives. Dans ce roman , où l’on disserte fort longuement surtout
et à tout propos, on ne manque pas de disserter sur la chimie. Le
capitaine , qui veut faire entendre à Charlotte comment certaines
substances se rapprochent et se séparent ensuite pour s’ui ir à des
substances plus analogues . compare cette propriété des corps à
l’attraction plus Ou moins puissante que les âmes exercent enlr’elles ,
et il se dit là-dessus force choses qui ont sans doute beaucoup de
grâce en allemand- C’est cette dissertation moitié chimique . moitié
galante qui nous prépare à voir Edouard abandonner Charlotte
pour s’attacher à Ottilie , et la délaissée Charlotte s’attacher au capi
taine, quidumoins pourlemoment.paroît ne se détacher de personne ;
c’est aussi là ce qui donne au roman ce titre bizarre, qui oourroit
bien quelque jour le faire inscrire, par mégarde , dans un cata
logue de livres de chimie, comme je ne sais quel ignorant biblio
graphe a mis la Jardinière Je Vintentes au nombre des ouvrages
d'agronomie.
Voilà beaucoup de choses contre la raison , l’art et le goiM ; mais
tout cela et vingt autres traits de même genre que je pourrois citer ,
ne sont rien en comparaison du fond même de l’ouvrage. l es moins
nf été révoltés. Je ne sais pas au juste de quel œil le
i’Allemagne protestante ;'mais ea France
tolérée que permise par les lois , est re
cette proposition continuelle de divorce faite sans remords par u»
homme qui n’a rien à reprocher à sa femme , portée sans répu
gnance par des personnages qui d’ailleurs ne sont point dépouillés
de toute morale , et reçue sans indignation par une femme qui aime
encore presqu’autant son mari que son amant ; et cette Ottilie , sur
qui l’on veut répandre le plus d’intêrèt, qui ne frémit pas à la seul*
idée d’enlever à une tante qui l’aime le cœur et là main de son époux,
qui se prèle de la meilleure grâce à cet odieux arrangement, et attend
précisément pour s’y refuser que tout le scandale soit produit, et
que toutes les difficultés soient levées ; et cette Charlotte même ,
femme indéfinissable , impossible , qui ne seroit pas fâchée de garder
Edouard , qui s’acconamoderoit tout aussi bien d'épouser le capitaine,
et qui ne se permet pas un seul mot de plainte contre une nièce qui
débauche son mari et fait mourir son enfant : de tels caractères sont
évidemment faux, et conséquemment aucun intérêt ne peut s’attacher
aux actions et aux discours qui leur servent dedéveloppemens. Obser
vons que la conduite folie et indécente des deux époux n’a pas même
la légère excuse de l'âge, puisqu’ils sont tous deux mariés en secondes
noces . et que Charlotte , qu'il faut hien supposer un peu plus jeune
3 u’Edouard , a de son premier mariage une grande fille qu’on parle
éjà d’établir. Cette fille , dont je n’ai rien pu dire encore , est une
autre extravagante dont les écarts du moins , s’ils choquent les con
venances , n’offensent point les mœurs. Ses passe-temps favoris sont
de courir les champs , quelque temps qu’il fasse ; et quand elle reste
au logis , de figurer avec sa compagnie les sujets sacrés ou profanes
des plus belles estampes connues. Mais en voilà trop sur cet amas de
bizarreries révoltantes et de fadaises insipides ; c’est avoir rendu un
suffisant hommage à la célébrité de l’auteur de Werther, que de
s’être arrêté si long-temps sur un ouvrage qui, en soi-même , mé-
riteroit à peine un coup-d’ceil. T.