FEUILLETON DU JOURNAL DE L’EMPJRE.
Du Mercredi 16 Mai 1810.
“ VARIETES.
Ottilie , ou le Pouvoir de la Sympathie (i) , traduit de l’allemand
de Goethe , auteur de Werther , d’Hermann et Dorothee , etc.
Far M. Breton.
Les Affinités électives (a) , roman de Goethe, auteur de
VVerthor , etc.
Nous sommes menaces, dit-on , de la prochaine apparition de
deux météores qui , formés des brouillards de l’Allemagne, et réflé
chissant , à la manière des aurores boréales , les soleils qui éclairent
cette contrée, doivent faire pâlir tous les astres qui ont jusqu’ici brillé
sur notre horizon. Pour parler sans figure , on annonce , comme
devant être bientôt publiés , deux ouvrages dont le but, pressenti
d’après l’opinion déjà manifestée des auteurs , et même dévoilé par
quelques indiscrets fauteurs de leur doctrine , doit être d'établir la
supériorité philosophique et littéraire de l’Allemagne sur les autres
pays de l'Europe , et particulièrement sur la France. .l’exprime sans
doute ici la pensée des auteurs d’une manière plus nette et plus
absolue qu’ils ne feront eux-mêmes. En plusieurs volumes , on pré-
(i) Deuxvol. in-12. Prix : 4 fr. , et 5 fr. par la poste.
A Paris , chez la veuve Lepelit, libraire, rue Pavée-Saint-André-
des-Arls, n°. a; et chez le Normant.
(a) Trois vol. in-12. Prix : 6 fr., et 7 fr. 5o c par la poste.
A Paris , chez Lhuillier, libraire , rue Saint-Jacques , n°. 55 j
«t chez le Normant.
lise même un résultat qu'on n’ose nie«
'jour ; mais en quatre lignes , il faut aller au fait et dir«
brusquement la chose telle qu elle est. Je me serai trompé si, par
exemple , on n’essaie pas de nous persuader que le hardi Schiller est
fort au-dessus du timide Racine Je crains peu que les ouvrages dont
je park ne me donnent un démeniti. En tout cas , je pourrai rétrac
ter sans rougir ce que j’aurai dit sans l’affirmer.
Dans une telle circonstance , à l’approche d’un tel danger, il doit
être permis de se mettre sur ses gardes, et même de saisir l’offensive
si l’occasion s’en pi ésente. Le célèbre Goethe, que l’Allemagne plac
au rang de ses plus beaux génies , Goethe , auteur de ce famé"
roman de Werther qui a fait tourner des milliers de tètes en Europe,
et même en a , dit-on , fait casser quelques-unes , a récemment pu
blié un autre roman intitulé les Affinités électives. Si l’on parvenoit
à démontrer que cet ouvrage , qui a obtenu un succès prodigieur
dans la patrie de l’auteur , est une production absurde , monstrueuse
et ennuyeusement immorale , que n’envieroit pas ie plus obscur et
le moins lu de nos mille romanciers , ne seroit-ce pas , pour ainsi
dire, avoir déjà pris position sur les terres de l'ennemi , et s’être
mis en état d’attendre avec un peu plus de sécurité les attaques dont
la tudescomanie nous menace ?
Un roman de M. Goethe , un roman sur le titre duquel on pou-
voit rappeler Werther, quelle bonne fortune pour ces traducteurs à
la feuille, qui ayant mal appris l’anglais ou l’allemand, en ont
acquis le droit de nous faire lire leur mauvais français ? Deux se
sont précipités à la fois sur le nouveau chef-d’œuvre : l’un a gagné
l’autre de vites-e. Celui-ci s’estbientôt mis en devoir de rattraper soa
camarade , et s’est vengé de lui par des critiques qui manquent de
bienséance, mais non pry in t de justesse. Leur calcul avoit été' diffé
rent : l’un vouloit alle^- fort vtte, et donner le plus de volumes pos
sible ; «b eonséquen»:« il a tout traduit. L’autr« avoit la préUuHn»