Full text: Zeitungsausschnitte über Goethe

© Hessisches Staatsarchiv Marburg, Best. 340 Grimm Nr. Z 45 
pour tout ce que sa mère lui a dû de soins 
dans sa vieillesse et de reverdissement. Mais, 
à dater de ce jour, celle qui faisait leur prin 
cipal lien leur manqua, et la liaison bientôt 
s’en ressentit. 
Cependant j’ai dit que Bettina s’était éprise 
d’amour pour Goetlie, et on pourrait deman 
der à quels signes cet amour se reconnaissait. 
Oh! ce n’était point un amour vulgaire; ce 
n’était pas même un amour naturel, comme 
ceux de Bidon, ou de Juliette, ou de Virginie, 
un de ces amours qui brûlent et consument, 
jusqu’à ce qu’il y ait eu satisfaction du désir. 
C’était un amour idéal, mieux qu’un amour 
de tête, et pas tout à fait un amour de cœur. 
Je ne sais trop comment l’expliquer, et Bet 
tina y était bien embarrassée elle même. Le 
fait est que, douée d’une vive imagination, 
d’un sens poétique exquis, d’un sentiment 
passionné de la nature, elle personnifiait tous 
scs goûts et toutes ses aspirations de jeunesse 
dansda figure de Goethe, et qu’elle l’aimait 
avec transport comme, le type vivant de tout 
ce qu’elle rêvait. Aussi cet amour ne faisait 
nullement sob tourment à elle, mais plutôt 
son bonheur : « Je sais un fcecret, disait-elle : 
quand deux êtres sont réunis et que le génie 
divin est avec eux, c’est là le plus grand bon 
heur possible. » Et il lui suffisait le plus sou 
vent que cette réunion fût en idée et en es 
prit. Lui qui connaissait la vie et les sens non 
moins que l’idéal, il avait tout d’abord classé 
cet amour, et il ne s’en défiait pas, à condi 
tion de ne pas trop le laisser approcher de 
lui. Le privilège des dieux est, comme on 
sait, une éternelle jeunesse; même à ein-' i 
quante-huit ans, Goethe n’eût pas sans doute b 
été un vieillard assez aguerri pour supper- ! 
ter tous les jours, sans danger, le voisinage J 
et les familiarités, les àjraceries innocentes r - 
de Bettina. Mais Bettina vivait loin de lui ; 
elle lui écrivait des léttres pleines de vie, 
brillantes de sensations, de couleurs, de sons ] 
et d’arabesques de tout genre, qui l’intéres 1 { 
soient et le rajeunissaient agréablement.^’é- t 
tait un être nouveau et plein de grâce qui 
venait s'offrir à son observation de poète et i 
de naturaliste. Elle lui rouvrait tout un livre 1 
imprévu d'admirables images et de charmantes 
représentations. Pour lui, il valait autant lire 
ce livre-là qu’un autre, d’autant plus que son 
nom s’y trouvait encadré dans l’auréole à 
chaque page. Il appelait ces pages de Bet 
tina les Evangiles de la nature : « Continue 
de prêcher, lui disait-il, tes Evangiles de la 1 
nature. » Il se sentait le dieu fait homme de J 
cet Evangile-Jà. Elle lui rendait surtout, et j 
utilement pour son talent d’artiste, les im- I 
pressions et la fraîcheur du passé qu’il avait v 
perdues dans sa vie un peu factice: «Mes * 
souvenirs de jeuness# connaissent tout ce 9 
que tu me dis, lui écrivait-il ; cela me fait - 
l’effet du lointain qu’on se rappelle tout à 
coup distinctement, quoiqu’on l’ait pendant v 
long-temps oublié. » Il ne se prodigue pas e 
pour elle, mais jamais il ne la rebute; il lui 1] 
donne la réplique tout juste assez pour qu’elle 
ne se découragé pas et qu’elle continue. 
La première fois qu’elle le vit, ce fut une j 
singulière scène, et, a la manière dont elle la - 
raconte, on voit bien qu’elle n’est pas en l 
France et qu’elle n’a pas affaire à des rieurs 1 
malins. C’était à ia lin d’avril 1807; elle a«- I 
compagnait sa sœur et son beau-frère qui 
avaient à aller à Berlin, ei qui lui avaient pro 
mis de revenir par Weimar. Il fallait traverser 4 
les armées qui occupaient le pays. Elle fil le. y 
voyage en habit d’homme, montée sur le siè 
ge de la voilure pour voir de plus loin, ai- ’ 
dant à chaque poste à dételer et k atteler les i 
chevaux, tirant le pistolet au matin dans les 3 
forets, grimpant aux arbres comme un écu 
reuil. Car, disons-le en passant, c’est un» dès ' 
qualités de Bettina d’être agile comme un 
écureuil, comme un lézard (Goethe f appela’1 
peine souris), partout ou eüe peut grimper, ! 
aux arbres, aux rochers, aux arcades des 
églises golhiques, elle grimpe et s’y pose en 
se j*uant. Un jour que, dans une de ses luti- 
neries, elle était montée, au couchant du so 
leil, jusque dans les sculptures gothiques de 
la cathédrale de Cologne, elle se donnait le 
plaisir d’écrire à la mère de Goethe: « Ma 
dame la Conseillère, que cela vous eût fait 
peur de me voir, du milieu du Rhin, assise 
dans une rose gothique ! » — « J’aime mieux 
danser que marcher, dit-elle encore quelque 
part, et j’aime mieux voler que danSer. » 
Bettina, courant, jouant, s’ébattant, est 
donc en route cette fois pour Weimar. Elle 
rfy arrive qu’après. avoir passé plusieurs 
nuits sans dormir sur le siège de la voiture. 
Elle court, en arrivant, chez Wieland qui con 
naissait sa famille, et se munit d’un billet de 
lui pour Goethe. Elle entre, on l’introduit. : 
Après quelques instan® d’attente, la porte 
s’ouvre et Goetlie paraît : 
« 11 était là, séiieux, solennel, et il me regar 
dait fixément. Je crois que j’étendis les mains vers 
lui; je me sentais défaillir. Goethe me reçut sur 
con cœur : Pauvre enfant ! vous ai-je fait peur ? 
Ce furent les premières paroles qu’il prononça et 
qui pénétrèrent dans mon amc. Il me conduisit 
dans sa chambre et me fit asseoir sur le canapé en 
face de lui. Nous nous taisions tous deux. Il rom 
pit enfin le silence : « Vous aurez lu dans le jour 
nal, dit-il, que nous avons fait, il y a quelques 
jours, une grande perte en la personne de la du 
chesse Amélie (la duchesse douairière de Saxe- 
Weimar).—Ah ! lui répondis je; je ne Us pas le 
journal.—Vraiment ! je croyais que tout ce qui ar 
rivait à Weimar vous intéressait? —Non, rien ne 
m’intéresse que vous, et ja suis beaucoup tropim- 
patiente pour feuilleter un journal.—Vous êtes 
une aimable enfant. » Longue pause. J’étais tou 
jours exilée sur ce fatal canapé, tremblante et 
craintive. Vous saYf-z qu’il m’est impossible de res - 
ter assise en personne bien élevée. Hélas! mère 
(cVt à la mère de Goethe qu’elle adresse ce récit), 
peut on se conduire comme je l’ai fait ! Je m’é 
criai : « Jene puis rester sur ce canapé! » Et je 
me levai précipitamment, « Eh bien ! frites ce qui 
vous plaira, » me dit il. Je me jetai à son cou, et 
lui m’attira sur ses genoux et me serra contre son 
cœur, x 
Nous avens besoin de nous rappeler que 
nous sommes en Allemagne pour nous ras 
surer. La voilà donc sur son cœur, c’est bon 
pour un instant; mais le singulier, c’est 
qu’elle y resta assez de temps pour s’y en 
dormir, car elle venait de passer plusieurs 
nuits en voyage, et elle mourait de fatigue. 
Ce n’est, qu’au réveil qu’elle commença un 
peu à causer. Goethe cueillit une feuille de 
la vigne qui grisipait à sa fenêtre, et lui dit.: 
« Cette feuille et ta joue ont la même fraî- 
ehèur, le même duvet. » Vous croyez peut- 
être qu» celle scène est tout enfantine et pué 
rile, mais peu après Goethe lui parle des cho 
ses les plus sérieuses et du profond de son 
ame ; il lui parle de Schiller, mort depuis 
deux printemps; et, comme Bettina l’inter 
rompait pour lui dire qu’elle aimait .peu 
Schiller, il se mit à lui expliquer cette nature 
de poète si différente de la sienne, et pour 
tant si grande, si généreuse, et qu’il avait eu, 
lui aussi, la générosité d’embrasser si pleine 
ment et de comprendre. Ces paroles de Goe 
the sur Schiller allèrent jusqu'à l’attendri-sn- 
ment. Le. soir de ce jour-là ou le lendemain, 
Bettina revit Goethe chez Wieland, et,comme 
elle faisait la jalouse d’un bouquet de violet 
tes qu’il tenait à la main et qu’elle supposait 
qu’une femme lui 0 * oit donné, il le lui jeta 
en disant : « Ne poin tu te contenter que je 
te les donne ?» C’e?! un mélange ‘duguli'T 
que ces premières sdmes de Weimar, à demi 
enfantines, à demi mystiques, et. dès l’abord 
si vives ; il n’aurait pas fallu pourtant les re- 
! commencer tous les jours. À la seconde ren- 
i contre qui eut lieu à Wartbourg, à quelques 
mois d’intervalle, comme la voix manquait
	        
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